Description
C’est une drôle d’histoire ! D’un chef-d’œuvre réputé illisible – Finnegans Wake que James Joyce mit dix-sept ans à écrire –, le « compositeur de jazz » André Hodeir tira Anna Livia Plurabelle, une « jazz cantata » réputée injouable sur scène de par son effectif et la difficulté de son exécution ; projet insensé alors que les improvisateurs « free » de l’époque semblaient écrire un avenir définitif pour le jazz, affranchi de la partition.
Enregistrée en 1966 dans les studios de Radio France, l’œuvre serait restée inédite, si le vibraphoniste John Lewis n’avait décidé de la publier sur disque aux États-Unis en 1971. Rééditée en France à deux reprises du temps du microsillon, elle serait restée inconnue au temps du numérique si Patrice Caratini n’avait eu l’idée de la créer sur scène et sur CD en 1992, puis d’en proposer en 2021 sa reprise à la tête de l’ONJ que son directeur artistique Frédéric Maurin mettait à sa disposition. Victime de la pandémie de Covid, elle ne fut hélas donnée qu’une fois en concert, mais par bonheur enregistrée et filmée par Radio France pour diffusion sur France Musique.
Par son essai André Hodeir & James Joyce, un éloge de la dérive, Franck Bergerot démontre que, contrairement aux procès qui lui avait été faits autrefois, cette Anna Livia Plurabelle ouvrait la voie à bien des expériences qui ont animé l’Histoire du jazz depuis un demi-siècle en matière structurelle, d’écriture et de texture orchestrales. Connu pour ses ouvrages d’initiation à l’Histoire du jazz et plus particulièrement à l’œuvre de Miles Davis, la plume de Franck Bergerot est omniprésente depuis les années 1970 dans la presse française consacrée au jazz. Il a mis à profit son sens de l’écoute et du récit, de l’analyse et de la métaphore, pour raconter le destin d’André Hodeir, la genèse de l’œuvre de James Joyce, les cheminements de l’esprit qui ont conduit le compositeur à faire œuvre musicale en partant d’extraits d’Anna Livia Plurabelle (tiré du huitième chapitre de Finnegans Wake).
Enfin, sur le mode du compte rendu sportif, il décrit son déroulement dans l’ordre chronologique, ses audaces, ses prises de risque, ses marques d’humour et cet art de la dérive et du glissement auquel on doit la cohérence de ce développement musical d’un seul tenant, sans reprise ni redite. Il offre ainsi un commentaire minuté de l’œuvre disponible à l’écoute pour les acquéreurs de l’ouvrage.
Où l’on découvre comment d’un monument littéraire illisible, André Hodeir a tiré la matière sonore, orchestrale et imaginaire d’une « jazz cantata » qui, aujourd’hui, n’a pas pris une ride.
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It’s a curisous story!From a masterpiece reputed to be unreadable – Finnegans Wake, which took James Joyce seventeen years to write – “jazz composer” André Hodeir created Anna Livia Plurabelle, a “jazz cantata” reputed to be unplayable on stage due to its size and the difficulty of its performance; a senseless project at a time when the “free” improvisers of the day seemed to be writing a definitive future for jazz, freed from the score.
Recorded in 1966 in the studios of Radio France, the work would have remained unpublished had vibraphonist John Lewis not decided to release it on disc in the USA in 1971. Reissued twice in France during the LP era, it would have remained unknown in the digital age if Patrice Caratini hadn’t had the idea of creating it on stage and on CD in 1992, and then proposing its revival in 2021 at the head of the ONJ, which his artistic director Frédéric Maurin made available to him. A victim of the Covid pandemic, it was unfortunately performed only once in concert, but fortunately recorded and filmed by Radio France for broadcast on France Musique.
Franck Bergerot’s essay André Hodeir & James Joyce,un éloge de la dérive (André Hodeir & James Joyce, an eulogy of the drift) shows that, contrary to the accusations made against her in the past, this Anna Livia Plurabelle opened the way to many of the experiments in orchestral structure, writing and texture that have enlivened jazz history for half a century. Well-known for his introductory works on the history of jazz, and in particular the work of Miles Davis, Franck Bergerot’s pen has been omnipresent in the French jazz press since the 1970s. He has put to good use his sense of listening and storytelling, analysis and metaphor, to recount the fate of André Hodeir, the genesis of James Joyce’s work, and the paths of the mind that led the composer to create a musical work, starting with excerpts from Anna Livia Plurabelle(from the eighth chapter of Finnegans Wake).
Finally, in the style of a sports report, he describes the chronological development of the piece, its daring, risk-taking and humor, and the art of drifting and sliding that makes this musical development so coherent, with no repeats or redundancies. He thus offers a timed commentary on the work, available for listening by purchasers of the book.
Here we discover how André Hodeir drew from an unreadable literary monument the sound, orchestral and imaginary material of a “jazz cantata” that has not aged a day.